Les interviews seules ne suffisent pas, elles s’intègrent dans une phase plus globale d’exploration. (cf article précédent – coming soon)
Tout entrepreneur vous le dira: la clé, c’est d’aller parler à ses utilisateurs. Surtout au début: pour bien comprendre leurs problèmes, leurs besoins, leurs envies.
Mais ce qu’on oublie trop souvent d’expliquer, c’est “Comment” : Comment leur parler ? Comment les interroger ? Comment bien recueillir cette précieuse matière première que sont les fameux “insights” clients ?
La team Start The F Up vous livre ici tous ses secrets, testés et validés lors de centaines d’interviews sur le terrain, pour mener des interviews comme un Nelson Monfort de la Customer Discovery (aka “Recherche Utilisateur”).
Pourquoi interviewer des utilisateurs/prospects ?
Une bonne idée, c’est une idée qui répond à un problème. Partir d’une idée sans problème, c’est un peu comme partir une clef à la main à la recherche d’une porte à ouvrir.
Le but d’une interview, c’est justement de trouver cette porte: d’identifier où sont les problèmes, les besoins et les “pain points” de vos futurs utilisateurs : ce qui les fait pester tous les jours, leur prend du temps, de l’énergie, leur coûte de l’argent…
Si à ce moment, vous pensez quelque chose comme : “☝️ Maiiiis, c’est pas Ford qui avait dit : si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu : des chevaux plus rapides.” (ndlr: non, il n’a jamais dit ça, d’ailleurs). Alors, vous faites fausse route…
Ford avait identifié un gros problème: le cheval, c’est lent, c’est inconfortable, et ça créer des problèmes de merde… littéralement. Il s’est rendu compte que le moteur à combustion pouvait résoudre ça, et enfin il avait la puissance industrielle et les ressources pour développer une solution comme la Ford T.
Alors, avant de lancer votre tech révolutionnaire, essayons déjà de trouver un problème à résoudre.
Fausse bonne idée : le sondage.
A ce stade, la plus grosse erreur que vous pouvez faire, c’est créer un sondage, l’envoyer à 500 personnes pour obtenir 50 réponses contraintes aux choix de votre QCM, plates, sans détail et biaisées, qui vous conforteront dans votre idée…
Pour l’instant, privilégiez le quali au quanti: quelques bonnes interviews de 30-45min, en tête à tête, ou par téléphone, pour affiner vos questions, entendre les intonations et entrer dans la psychologie de vos clients.
Ce n’est pas simple, pas inné, et très inconfortable… Mais surtout c’est très facile de mal mener une interview…
La mauvaise interview
Commençons par un très bon mauvais exemple. Dans son livre The Mom Test, Rob Fitzpatrick ouvre sur un script (vous pouvez le trouver en anglais dans son livre ; ou en vidéo ici) dans lequel il écrit une interview complètement biaisée qu’un futur entrepreneur aurait avec sa mère.
Les points principaux à retenir sont :
- Etape 1 : “J’ai une idée de business, est-ce que je peux t’en parler ?”
Il parle de son idée, et donc expose son ego, car son idée, selon lui, est forcément une bonne idée 😉
- Etape 2 : “Achèterais-tu mon idée pour ces quelques euros ? Tu pourras faire ça, et ça, et encore ça avec !”
Il est en train, inconsciemment, de “supplier” sa mère d’acheter, même si l’idée n’apporte pas de valeur ou ne l’intéresse pas… Et il est prêt à ne rien lâcher jusqu’à l’achat de sa mère qui lui dira “oui”, car elle veut le protéger…
- Etape 3 : Sa mère dit “oui”, et il répond : “Génial ! Merci !”
Il a complètement interprété la conversation comme une validation d’acte d’achat, à la place d’un “mensonge” inconscient pour le protéger…
Inutile de vous dire qu’une telle interview n’apporte rien… Si ce n’est qu’elle cherche à valider votre idée, qu’elle flatte l’ego et vous donne des informations non pertinentes qui vous guideront dans la mauvaise direction.
Voici donc les “Don’ts” d’une interview :
- Parler de vous, pitcher votre idée
- Demander si votre idée est bien, si votre interviewé est intéressé par/aime votre idée
- Poser des questions trop orientées
En fait, au risque de vous décevoir, vous n’allez pas parler de votre idée 😱
Pourquoi ? Pour ne pas donner à l’interviewé une raison de vous mentir ! Vous avez l’air plutôt fier de votre idée, et il ne voudrait pas vous décourager… un peu comme votre mère (d’où, The Mom Test).
Pour obtenir des témoignages honnêtes, il va donc falloir être malin et trouver une meilleure méthode !
La bonne interview avec la méthode Start The F Up ⚡️
Une interview exploratoire, c’est une discussion qualitative ouverte dont le but est de récupérer le maximum d’informations sur les comportements de ses utilisateurs… sans les biaiser !
Trève de teasing. Voici notre méthodologie pour conduire des interviews exploratoires. On y aborde:
1- Comment définir le thème qui guidera toute votre interview
2- Comment structurer votre interview, et écrire vos questions
3- Quelle attitude avoir en tant qu’intervieweur
4- Qui interviewer ? Combien ? Et comment les trouver ?
C’est parti !
1- Définir un thème
Le thème, c’est la trame générale de votre interview. Il permet à votre interviewé de ne pas être dans le flou complet, sans pour autant biaiser les réponses en amont.
L’interview commence donc par l’énoncé d’une très courte phrase : le thème (ou domaine) sur lequel portera l’interview, c’est le domaine général dans lequel votre projet existe. Enoncé de la façon la plus neutre et large possible, cette seule phrase va guider 80% de l’interview.
Il faut donc que le thème soit générique pour recueillir un maximum d’informations, tout en cadrant suffisamment le sujet pour ne pas s’égarer…
Définir un thème est un exercice difficile, donc voici un exemple pour vous aider :
Je veux monter un nouveau site de streaming en ligne (concurrent de Netflix) sur la verticale du sport.
- Mauvais thème : “Le sport que vous regardez en ligne et en replay”
- Bon thème : “Le sport que vous suivez au quotidien”
Le 1er a déjà orienté l’interview sur des axes de consommation et dans un cadre trop précis, qui va engendrer des réponses restreintes et dans lesquelles vous pourriez rater de l’information précieuse.
Dans ce cas précis : votre interviewé est déjà orienté sur “le replay”, et vous pourriez rater un besoin de sa part d’avoir accès au sport en live mais avec un format différent (ex: suivre plusieurs matchs en parallèle).
Le 2e ouvre le champ des possibles à votre interviewé, et vous ne passerez pas à côté d’informations extrêmement précieuses grâce auxquelles vous pourrez bien concevoir votre produit, et avoir des idées pour changer de direction si nécessaire.
Lors de votre phase d’exploration, vous allez identifier de nombreux problèmes et capter des informations qui aideront à adapter votre idée.
“La première idée d’un projet est souvent amenée à échouer. Récupérer le maximum d’information pendant la phase d’exploration permet de rebondir sans devoir tout recommencer !”
Mickaël, Chief Quote Officer @STFU
2- Votre questionnaire d’interview
Un bon questionnaire, c’est avant tout une discussion en entonnoir qui déroule une suite logique de questions ouvertes vers des questions plus précises.
Son but ? Voyez ce questionnaire comme un ouvre boîte, le suivre vous permettra de rentrer dans le cerveau de votre interviewé. (Disclaimer : nous déclinons toute responsabilité en cas de perception littérale de cette phrase…)
Votre questionnaire doit donc partir de questions très larges pour aller progressivement vers des questions plus précises.
Voici les étapes nécessaires à un questionnaire bien structuré :
- Les présentations
Présentez-vous rapidement, puis demandez à votre interviewé de se présenter.
Vous devez comprendre qui il/elle est, fait dans la vie, ses objectifs, ses missions, etc…
- Introduction au thème, et réactions (vécu)
Ici, commencez par énoncer votre thème. Demandez ensuite quel est le vécu et l’expérience de la personne par rapport à ce thème. Ce que ça lui évoque. Votre job est de l’aider à rafraîchir sa mémoire ! Cette partie est essentielle pour bien “lancer” l’interview.
- Les problèmes de votre interviewé
Demandez-lui de réfléchir aux problèmes et frustrations qu’elle a identifiés dans ce domaine. Demandez-lui d’en citer quelques-uns. Demandez-lui de vous raconter une histoire, sa pire expérience.
- Ses réactions sur les problèmes que vous avez identifié
Cela vous permet de re-cadrer l’interview au cas où votre interviewé se serait trop égaré.
Faites réagir votre interviewé sur les problèmes que vous avez identifiés, et auxquels votre idée veut répondre.
Ex : « Que pensez-vous du manque de facilité d’accès du sport à la demande ? »
Attention : pendant cet instant, vous devez tout faire pour repérer les vrais problèmes, des faux problèmes…
Si votre interviewé répond : “oui, oui, c’est un problème…”, ou “Ah oui, tout à fait, c’est constant comme problème” ; ce n’est pas la même chose. Alors comme d’habitude, mettez votre égo de côté et soyez attentif !
- Les solutions existantes et ses critères de décisions
Cherchez à savoir si la personne à fait des recherches sur ces problèmes. Est-ce un problème qui vaut la peine d’être adressé ? A-t-elle trouvé des solutions ? Comment a-t-elle fait son choix ?
- Votre solution & Les feedback
Enfin!
Le moment où vous présentez votre solution, SIMPLEMENT, en 1-2 phrases MAXIMUM.
Remarque: Il est possible à ce stade que votre solution ne soit pas pertinente pour votre interlocuteur… Présentez-là quand même !
Acceptez les retours comme ils sont. N’argumentez pas en retour des réponses de votre interviewé. Demandez des précisions, des explications, puis remerciez-la/le chaudement pour son temps avant de clôturer l’interview…
- Obtenir un engagement
Clôturer une interview en beauté, c’est recevoir un engagement (commitment) de la part de votre interviewé !
Voici quelques exemples de “commitments” :
- Achat : Le commitment ultime
- Prochain rdv et next steps : Force la personne à montrer qu’elle veut avancer avec vous
- Introduction à une autre personne : Mets en cause leur réputation et donc leur “foi” en votre solution
- Parler de vous publiquement : Mets en cause leur réputation
- Participer à votre Bêta-Test : accepter d’être dans les premiers utilisateurs et surtout s’engager à passer du temps pour tester la solution activement 🙂
Cela permet d’évaluer si votre interviewé est prêt à s’impliquer en donnant son temps, sa réputation ou son énergie.
Well done, vous avez fini votre interview !
Tip : on vous conseille fortement d’utiliser Google Form pour construire votre questionnaire, puis comme support de prise de notes.
Pour plus de détails sur :
- Trame d’interview complète
- Les questions types d’une bonne interview
- Le formulaire Google à dupliquer
- Les types de commitment et leurs formes détaillées
- Une guide complet d’interview exploratoire
- Et plus…
Rendez-vous au lien en pied d’article pour télécharger notre “Kit d’interview STFU” 👇
3- Mener l’interview. Ou comment me comporter en tant qu’intervieweur ?
Une interview idéale en chiffres :
- Introduction (2 min)
- Questionnaire (30-40min)
- 95% du temps de parole à votre interviewé
- 1 intervieweur + 1 preneur de notes = 2 personnes
En début d’article, on vous a donné les “Don’ts”.
Voici maintenant nos “Do’s” :
- Soyez dynamique, vous devez mener l’interview
- Soyez en “écoute active” : prêt à rebondir, à entrer dans le détail, relancer sur les réponses, creuser chaque sujet et demander des précisions. (Pourquoi ? Par exemple ? C’est-à-dire ? Et après ? Qui ? Comment imagineriez-vous ?)
- Soyez fondamentalement intéressé par votre interviewé et sa vie
- Soyez souriant, avenant, fasciné
- Soyez neutre, sans jugement, sans rejets
- BANNISSEZ les verbiages, expressions, le “franglais” et autres acronymes compliqués que personne ne comprend…
- Prenez BEAUCOUP de notes (enregistrez même, si votre interviewé donne son accord !)
- Et enfin, Silence is golden : laissez les gens réfléchir, ne leur soufflez pas les réponses, laissez les galérer un peu !
Note : la capacité de votre interviewé à s’exprimer librement dépendra du climat de confiance et de la sympathie que vous allez dégager… Alors, sortez votre habit de charme et instaurez un relationnel fort avec votre interviewé !
Tip : Prendre 30 secondes avant une interview pour se mettre dans l’état d’esprit suivant : devenir la personne la plus curieuse que vous connaissez !
4- Vos interviewés et comment les trouver
Qui ?
La bonne question à se poser est : à qui s’adresse ce projet ? Tout le monde ? Mauvaise réponse… ⛔️ Tentez d’identifier qui seraient vos “early adopters” (https://www.urbandictionary.com/define.php?term=early+adopter) : les personnes les plus susceptibles d’être intéressés par votre solution.
NB: vous trouverez dans notre kit d’interview un canevas « persona » pour vous aider à définir vos différents types d’interviewés.
Combien ?
5 interviews sur une même cible suffisent à recueillir 80% des insights intéressants.
Donc si vous voulez explorer 3 cibles, le minimum syndical sera de 15 interviews.
Vous aurez suffisamment d’information qualitative pour analyser les données et en tirer des tendances. Cela dit : “the more, the merrier”. Donc ne lésinez pas !
Comment les trouver ?
Quelques techniques :
- Chercher dans votre réseau personnel
- Demander des introductions à votre réseau
- Contact direct
- Participer à des groupes facebook/linkedin, identifier les bonnes personnes et les contacter un par un (B2C)
- Fouiller sur linkedin (B2B & B2C)
- Passer par une agence de recrutement (~200-300€ le RDV) comme Point Virgule France
- Faire de la pub ciblée sur facebook pour recruter soi-même avec un questionnaire de pré-qualification + offrir une récompense (cash prize 💸)
Bref, c’est comme essayer de vendre, mais sans rien à vendre. Et lorsque vous demandez leur avis aux gens, ils sont souvent ravis de vous aider 😉
Et maintenant ?
A vous de jouer !
Vous avez toutes les armes pour devenir des “interviews warriors”.
Une fois vos 15 interviews finies et toutes ces données précieuses et utiles collectées, vous serez finalement prêts à construire votre produit…
…construire votre produit ?
🛑✋ STOP
Lisez ça avant : Le worshop commando STFU